Audition de Matthieu Creux, fondateur du cabinet Istrat [Commission d'enquête Uber Files]

Contexte de l'audition :

Les Uber files ont mis en évidence des opérations de manipulation du débat public commanditées par Uber à iStrat, une entreprise d’intelligence économique et de relations publiques, aujourd’hui rebaptisée depuis Avisa Partners.

Un document issu des Uber files révèle qu’iStrat a fait publier pour le compte d’Uber 19 articles sur 13 sites d’information différents, allant de Challenges aux Echos en passant par Mediapart ou Le Journal du Net, entre novembre et décembre 2014. Istrat a aussi fait modifier plusieurs pages Wikipédia en lien avec Uber. Cette période était critique pour Uber, car le tribunal de commerce de Paris devait se prononcer sur la légalité du service Uber Pop.

Publiés sous de fausses identités, ces articles relayent les messages d’Uber : les taxis, trop rares et trop chers, sont présentés comme une profession « sclérosée », « corporatiste » et privilégiée, allergique à la concurrence, disposant d’appuis politiques et d’une force de lobbying importants. Les usagers, qui plébiscitent Uber, seraient les grands oubliés des débats. La loi Thévenoud entrée en vigueur le 1er octobre 2014 serait inadaptée et déjà « obsolète ». A l’inverse, Uber est dépeint comme une société sympathique, moderne et innovante, dont le modèle vertueux a fait « bouger les lignes » et qui prône « les valeurs de solidarité et de partage ». Les pouvoirs publics, eux, sont incités à prendre les bonnes décisions pour éviter à la France « une réputation de nation rétrograde ».

Sollicitée par les journalistes, Avisa Partners défend ses activités, qualifiées d’« approches inédites dans le champ de l’e-réputation ». « L’utilisation ponctuelle de pseudonymes et de “plumes” ne saurait être assimilée à de la “désinformation”. C’est même l’usage dans de nombreux espaces sur Internet, les réseaux sociaux et dans les médias », assure la société, pour qui « les entreprises sont des parties prenantes légitimes pour participer au débat public », renvoyant aux médias la « responsabilité » de « juger des contenus qui leur sont soumis avant de décider de les publier ».

Matthieu Creux est a fondé le cabinet iStrat en 2010 devenu par la suite Avisa Partners. Il a commencé sa carrière comme consultant en affaires publiques chez Havas Worldwide puis EY. Il a été conseiller du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche (2007-2009). Il a travaillé pour un certain nombre de gouvernements et de grandes entreprises sur les questions d'activisme, de contre-activisme et de mobilisation en ligne. Il s’occupe aujourd’hui de la stratégie et du développement d’Avisa Partners, où il est notamment en charge des acquisitions et de la structuration du groupe. Il ambitionne de créer un géant international de l’intelligence économique.

Arnaud Dassier était co-directeur d'iStrat. Le 28 novembre 2014, M. Dassier a lui-même publié une tribune sur le site internet de L’Express pour saluer Uber « qui a su séduire des millions de clients en quelques années : facilité, rapidité, qualité et réduction des prix », mais qui fait face « aux accusateurs, aux procéduriers et aux rentiers ». Rien ne mentionne alors les liens de M. Dassier avec le cabinet iStrat.

Olivia Grégoire, aujourd’hui membre du Gouvernement, a été directrice adjointe du cabinet de juin 2013 à avril 2014. Elle a indiqué avoir été en charge du développement « et donc en aucun cas responsable des contenus qui étaient rédigés ». Plusieurs anciens salariés d’Istrat l’accusent néanmoins d’avoir supervisé la rédaction d’articles relayant de fausses informations dans l’objectif de satisfaire au mieux les clients.

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